Bègles

Bègles    novembre 2015

Le nom de cette commune de Bordeaux Métropole évoque le radis rond ou encore la « tortue » pour les amateurs de rugby mais aussi et surtout la morue, encore fêtée tous les mois de juin.
Du milieu du 19ème siècle au milieu du 20ème Bègles est la première ville de France pour la commercialisation de la morue ; en 1907, 70% de la morue consommée en France passe par Bègles, La Rochelle, Dieppe et Fécamp se partageant les 30% restant. A cette époque, Bordeaux est le second port d’Europe, le climat y est meilleur qu’à Dieppe ou Fécamp.
La morue est du cabillaud séché et préparé.
Il est majoritairement péché dans les eaux de l’Atlantique nord.
L’archipel de Saint Pierre et Miquelon, peuplé de Bretons et Normands qui en prirent possession au 16ème siècle a été longtemps disputé entre la France et l’Angleterre ; il est, depuis 1976, département d’Outre-Mer. Le sol y est très pauvre, la température moyenne est de 6° et sa principale richesse était l’exploitation de la morue, séchée sur place.
En 1763, l’archipel étant passé sous domination anglaise, la France doit trouver un autre moyen de conserver le poisson.

Aux 18, 19, début 20ème siècles, la morue était le plat du pauvre car il se conservait bien séché ; de nos jours il est beaucoup plus cher en raison de la raréfaction du cabillaud.
On mangeait beaucoup de poisson le vendredi et pendant les périodes de jeûne.
Après 1763, les pécheurs lavent, éviscèrent et salent le poisson sur les bateaux. A son arrivée en France, le poisson est lavé puis séché ou salé à nouveau et commercialisé.
Bordeaux était un grand port de commerce pour l’importation de nombreux produits dits coloniaux, sucre, café, farine, morue…et s’est enrichie grâce à la plus-value apportée à ces produits lors de leur transformation puis de leur exportation.
La clémence du climat, les nombreux terrains disponibles, la main d’œuvre bon marché permettent le séchage de la morue en plein air ; la commune est traversée de nombreux cours d’eau qui permettent de laver à l’eau courante. Les premiers séchoirs, hangars ou granges, apparaissent en 1830. Le sel a profondément pollué le sol.
Au 20ème siècle sont construits les bâtiments en béton avec ventilateurs comme le site à l’abandon que nous voyons depuis la rue, qui est protégé et doit être prochainement restauré, selon le souhait du maire Noël Mamère.
Le collectif « Morue Noire » a occupé et décoré les lieux.
En 1990 il y avait encore 3 sècheries en fonction ; de nos jours tout le conditionnement se fait sur les bateaux.
On peut regretter que la ville ne possède pas un Musée de la Morue.
A l’arrivée du chemin de fer, la ville a connu un développement anarchique, tellement rapide qu’il n’a pas créé de vrai centre-ville ; les petites maisons ouvrières côtoient les grandes propriétés bourgeoises.

La piscine de Bègles est la première piscine couverte construite en Gironde en 1932 par Alexis Capelle, son maire socialiste ; en 1935, son homologue de Bordeaux, Adrien Marquet, fait construire celle de Judaïque.
Jusqu’à cette date, les piscines étaient flottantes sur la Garonne, entourées de cabines.
Le souhait est d’offrir à tous la possibilité de pratiquer la natation mais aussi l’hygiène avec une grande aile dédiée aux bains douches.
Les enfants des écoles viennent apprendre à nager ; les habitants de la commune bénéficient de tarifs préférentiels pour la piscine comme pour les bains-douches.
Le succès est tel que le temps d’utilisation doit être limité.
Elle est fermée en 1996, ne répondant plus aux normes en vigueur.

Le décor avec boules de couleur qui ornent le plafond du hall d’entrée a été réalisé par le collectif de la Morue Noire (qui occupait l’ancienne sècherie de morue).

En 1991, la piscine a été inscrite à l’inventaire des monuments historiques.
Sa fermeture a duré 10ans ; l’architecte est choisi en 2005 et après un an de travaux, la nouvelle piscine a été inaugurée en 2006.

Les mosaïques du sol et des murs, les portes en acajou, la verrière ont été déposées et réutilisées. Le plafond du hall d’entrée, rouge vif et celui du couloir, jaune citron éclairent agréablement les lieux. De nombreuses plaques de consignes d’hygiène d’origine sont également remises en place.

Lors de la réhabilitation de la piscine :
1% du budget était consacré au bassin de phytoremédiation,
1% au projet artistique (pédiluve),
1% solidaire pour l’aire de motricité.

Le patio comprend un solarium avec transats et une terrasse appartenant au restaurant ; ces deux espaces sont séparés par le bassin de phytoremédiation, qui reçoit aussi toute l’eau du toit à pente unique ; les plantes du bassin se nourrissent de chlore afin de l’éliminer de l’eau en provenance de la piscine. On évacue 30 litres d’eau par baigneur et par jour ; cette eau après passage dans le bassin est utilisée pour les toilettes de la piscine, le nettoyage des rues, le reste est envoyé au centre de recyclage du clos de Hilde mais en aucun cas réutilisé dans la piscine.
L’eau renouvelée provient de l’alimentation de la ville et doit être chauffée à 28° ; afin d’économiser l’énergie, la masse d’eau chaude de la piscine est utilisée en partie.

Des lamelles qui absorbent le bruit sont installées au plafond de la piscine.
L’ancien bassin est devenu aire de motricité intergénérationnelle :
aire pour travailler l’équilibre des personnes âgées, vélo qui produit du vent en pédalant, 2 autres vélos qui actionnent une grande hélice, murs d’escalade.
Le plafond orné d’une toile au décor d’eau rappelant l’ancienne fonction du bassin et qui atténue l’écho.
L’aire de motricité est aussi décorée de 4 arbres à son de formes différentes qui produisent un son musical en passant la main dessus.

Autour de la piscine on trouve les cabines de bains d’origine.
Les archives photographiques nous montrent les élèves apprenant à nager, équipés d’un harnais et suspendus à un filet ; les maitres-nageurs les remontaient avec un treuil.
Une fontaine dispensait un bruit d’eau courante qui rappelait la nature.
Le fond de la piscine était couvert de caillebotis de bois empilables, la profondeur était ainsi variable.
La réhabilitation de cette piscine art-déco est un bel exemple d’utilisation de techniques nouvelles tout en conservant le patrimoine.

Photos Alain Caminade

Organisation et récit Annie Charlier.