Synagogue

La Grande Synagogue de Bordeaux

Succédant à un premier édifice détruit par le feu en 1873, elle est élevée entre 1877 et 1882 sous la direction des architectes Jean Burguet puis Charles Durand.
Elle compte parmi les plus vastes d’Europe et est classée monument historique depuis 1998.
Histoire

La présence d’une communauté juive est attestée à Bordeaux depuis le 3ème siècle, hors la ville sur le mont Judaïque. En 1492, la reine Isabelle de Castille dite la Catholique promulgue le décret d’expulsion des juifs d’Espagne ; beaucoup émigrent vers l’Afrique du nord, d’autres passent au Portugal en acquittant une taxe mais le roi de ce pays voulait épouser la fille d’Isabelle de Castille et à son tour oblige, en 1496, les juifs à se convertir ou à être exécutés. Parmi les convertis, beaucoup continuent en cachette à pratiquer leur religion d’origine, on les appelle marranes. Fuyant les persécutions de l’inquisition, nombre d’entre eux décident de s’installer dans le sud ouest (Bayonne, Bordeaux, Arcachon). Les synagogues de ces villes sont dites « synagogues des juifs portugais ».
C’est à cette époque que le chocolat est introduit en France à Bayonne par les juifs portugais qui le cultivaient sur une île au large de l’Afrique.
En 1685, Louis XIV révoque l’édit de Nantes ; les protestants, principaux armateurs et négociants de Bordeaux sont chassés, les juifs prennent alors en main ces secteurs d’activités.
La communauté juive bordelaise reste florissante  durant plusieurs siècles, fournissant quelques grands noms : Gradis, Raba-Léon, Nunès Pereyra, Mendès, Peixotto…. Gradis achete 40 bateaux et finance l’expédition de La Fayette qui part de Pauillac pour aider les Etats Unis dans leur guerre d’indépendance. Rodrigue Pereyre a inventé avec l’abbé de l’Epée le langage des sourds muets et a fondé Arcachon.
Les juifs portugais de Bordeaux seront nommés citoyens français 1 an avant les juifs de Paris.
Napoléon crée le Consistoire obligatoire pour toute communauté de plus de 2000 juifs.
Le consistoire régional de Bordeaux est créé en 1808 ; il comprend 14 membres élus pour 6 ans par la communauté, qui à leur tour élisent un président.
Certains sont partis pour Paris où ils ont prospéré jusqu’en 1917.
La communauté a évolué avec l’arrivée, dans la première moitié du 20ème siècle, des juifs des pays de l’est de l’Europe, les Ashkénazes  puis les juifs Séfarades d’Afrique du nord dans les années 1960.
Chaque communauté a ses propres habitudes et rites ;  les cérémonies sont célébrées 2 fois par mois selon le rite portugais.
En 1939, la rencontre d’un rabbin juif polonais avec le consul du Portugal Aristide de Souza Mendès sera décisive ; ce dernier a donné des visas à 34 000 réfugiés dont 7 à 8000 juifs. Il a été destitué par Salazar, sa carrière en fut ruinée, il a été nommé parmi « les Justes ».
La « Paroi des noms » répertorie les membres de la communauté juive exterminés pendant la seconde guerre mondiale.
Durant l’occupation allemande, la synagogue pillée, sert de lieu d’internement à 1600 familles juives qui n’ont pas pu s’enfuir, avant leur déportation. Boris Cyrulnik enfant, pris dans une rafle y fut interné et en sortit caché sous une couverture sur la civière d’une femme blessée.
Georges Mendel, membre de la communauté et ministre fut exécuté pendant la dernière guerre.

Architecture
De style byzantin, sa façade monumentale porte les symboles juifs, chandelier à 7 branches, étoile de David et Tables de la Loi. Ses deux tours n’ont jamais reçu les bulbes prévus qui ne plaisaient pas à la communauté.
Le péristyle est orné des symboles traditionnels et les écritures sont en hébreu et français .
La mosaïque au sol est d’origine, porte la date de sa création, 1882 (5642 selon le calendrier hébraïque) L’étoile de David est un signe de reconnaissance et n’est pas un symbole religieux.
C’est un grand vaisseau de 36m de long, 26m de large et 16m de haut à la structure métallique produite par les ateliers Gustave Eiffel ; cette structure est recouverte de stuc.
La synagogue est ornée de 14 colonnes corinthiennes (7 de chaque côté).
Au niveau supérieur, sont aménagées des tribunes (Mekhitsa) réservées aux femmes.
Au fond du sanctuaire, l’Arche Sainte (Heckal), ménagée dans une grande arcade à arc outrepassé ; un rideau de velours (Parokhet) aux teintes grenat lui sert d’écrin.
Au milieu de l’Arche, le pectoral portant les noms des 12 tribus d’Israël ; à l’intérieur 12 casiers abritant les rouleaux de la Loi.
La partie centrale de la synagogue est occupée par une estrade (Tebah) où viennent officier les ministres du culte ; cette particularité concerne les synagogues de juifs portugais.
L’estrade est précédée d’un monumental chandelier à 7 branches (Menorah) de 4.5m de hauteur ; l’original en bronze a été fondu par les allemands pendant la guerre, un menuisier en a construit un identique en bois couvert de feuilles d’or que nous admirons aujourd’hui.
Ce chandelier symbolise les 7 jours : 6 de travail et le jour du shabbat.
La grande synagogue n’a pas pu être orientée vers Jérusalem mais la petite synagogue l’est. Cette dernière est utilisée les mois d’hiver afin d’économiser le chauffage ; l’emplacement des femmes est délimité par une barrière sculptée d’étoiles de David.
Traditions, rites religieux

La religion juive est la plus ancienne religion monothéiste, son calendrier indique l’année 5776, quand notre calendrier grégorien indique 2016 après JC.
La synagogue est un lieu de prière, sans image ni statue. Il n’y a pas d’intermédiaire entre l’homme et Dieu. Les hommes doivent se couvrir la tête d’une kippa.
Les offices sont célébrés le vendredi soir et le samedi ; ils rassemblent entre 80 et 120 personnes sur les 2800 de la communauté bordelaise.
Les livres de prières sont écrits en hébreu à droite et en français phonétique à gauche.
Les rouleaux de la Torah sont lus par des personnes qui ont la connaissance ; pour qu’ils soient déroulés, 10 hommes au moins doivent être présents dans l’assistance.
En France, une prière est lue pour la république française, une autre pour les gouvernants.
La synagogue n’est remplie que pour le jour de fête du Grand Pardon, le Yom Kippour.
Les principales fêtes sont : Rosh Haschana, le jour de l’An (en septembre), 8 jours plus tard le Yom Kippour, puis  la fête des lumières, Hanoucca, célébrée 15 jours avant Noël où on utilise le chandelier à 8 branches, Pessah, la fête de Pâques où on mange de la galette pendant 8 jours en souvenir de la libération d’esclavage du peuple juif.
Le jour du shabbat est traditionnellement un jour de repos complet mais les contraintes de la vie moderne ont imposé des aménagements.
Un enfant est juif d’office si sa mère est juive ; si c’est un garçon en bonne santé, il est circoncis lorsqu’il a 8 jours.
La petite fille célèbre sa bat-mitzvah à l’âge de 12 ans, le garçon sa bar-mitsva à 13 ans, il est considéré adulte.
Pour que le mariage soit célébré dans la synagogue, les deux époux doivent être juifs ; la conversion demande 5 à 6 ans, la motivation doit êtr
e importante.
L’enterrement se fait directement au cimetière, il ne passe jamais par la synagogue.
La crémation et l’incinération sont interdites, de même que déterrer les morts.
Si le cimetière est complet, on en crée un nouveau.
A Bordeaux, 3 cimetières juifs privés : le plus ancien, des juifs portugais cours de la Marne, rue Sauteyron, le cimetière dit des juifs avignonnais, cours de l’Yser l’actuel.
L’entrée à l’école rabbinique se fait au niveau master et après 4 années d’étude on peut accéder au poste de rabbin. Le rabbin est salarié, recruté par la communauté, il doit obligatoirement être marié.
Tous les frais d’entretien de la synagogue sont à la charge des membres de la communauté depuis 1905, date de séparation des églises et de l’état, sauf en Alsace et Lorraine qui ont gardé le système allemand où tous les ministres du culte sont salariés de l’état.
1% des français sont de confession juive ; Bordeaux est la 8ème communauté de France.

Autre membre célèbre de la communauté bordelaise, M Iffla  a créé la fondation Osiris.
En souvenir de son grand père qui fut le 3ème décoré de la légion d’honneur, il achète  en 1871 La Malmaison, la rénove et meuble comme du temps de Napoléon puis en a fait don à l’état en 1904.
En 1875, il achète le château la Tour Blanche, le rénove, y crée l’école d’œnologie, en fait don à l’état.
En 1873, après l’incendie de la première synagogue, il veut financer la nouvelle mais la communauté s’y oppose car il veut imposer ses architectes et y apposer des plaques « fondation Osiris ».
Il finance donc la synagogue de la rue Buffault à Paris et fait construire celle d’Arcachon sans l’autorisation du consistoire pour y marier sa nièce de 17 ans à un de ses amis âgé de 55 ans. Cette union dure 6 mois, la nièce devient la secrétaire puis l’épouse de Claude Debussy, sa sœur fut la première épouse se Sacha Guitry.
Il a financé l’installation à Bordeaux des fontaines Wallace.
Un don de 2 millions de francs a permis le financement du « bateau soupe » qui servit des repas gratuits aux indigents de 1912 à 1939 où les allemands l’ont coulé. L’indemnisation versée par l’Allemagne a servi a construire le foyer Leydet.
Il fut aussi découvreur et mécène de peintres dont celui qui a peint une partie du Mur des Lamentations à Jérusalem ; une copie en fut offerte à l’école juive de Bordeaux et se trouve dans la synagogue aujourd’hui.
Il fit également don de sa fortune à l’institut Pasteur.
Il est singulièrement méconnu de nos jours.

Photos Alain Caminade.

Organisation et récit Annie Charlier.